Pour la première fois, un théâtre en Ouganda ose jouer une pièce dont le héros est un homosexuel. Les acteurs de The River & the Mountain (la rivière et la montagne) espèrent attirer l’attention des spectateurs sur l’homosexualité dans un pays punissant l’homosexualité. Dans la société ougandaise, nous cachons tant de choses. Pourquoi ne pas en parler ?
Interpréter probablement le premier homosexuel en Ouganda n’a pas déstabilisé Okuyo Joel Atiku Prynce. Le jeune homme de 28 ans, déjà récompensé par plusieurs prix, joue le personnage principal. Il a d’ores et déjà reçu des commentaires sur sa dernière performance. Il a été accusé d’”avoir été acheté par des groupes de lobbying gay”, mais cela lui est égal. “Je ne suis pas l’avocat de l’homosexualité. Bien que, avec ce spectacle, nous voulons faire comprendre aux gens que nous sommes tous des êtres humains”, dit Prynce. “Nous ne devrions pas juger, faire de la ségrégation, blesser ni tuer nos pairs.’’
L’Ouganda est un pays où les gays et les relations entre les personnes du même sexe sont loin d’être acceptées et sont régulièrement condamnées par des prêtres conservateurs et les hommes politiques.
Ils ont joué la première le 18 août dernier dans un centre culturel pas très connu de la capitale Kampala, portant le nom de Tilapia, et seront sur scène jusqu’au 26 août prochain. Il s’agit d’une collaboration entre un groupe d’acteurs locaux, un poète venant d’Oxford, Beau Hopkins, qui a écrit le script, et le directeur de Tilapia, David Cecil. La pièce amènera “les gens à parler de l’homosexualité”, ce qui aidera à réduire la stigmatisation dont elle est victime, espère Phiona Katushabe, âgée de 24 ans, l’une des organisatrices du spectacle.
Eviter le débat idéologique
En tous cas, le spectacle n’a pas provoqué de remous public tel qu’on aurait pu attendre d’un sujet aussi controversé. Selon les personnes impliquées par la pièce, ceci est sans doute dû à la présentation –délibérément - sans tambour ni trompettes de la pièce. Non pas par crainte de répercussions possibles, mais pour "éviter de sombrer dans un débat idéologique avec, d’une part, la voix des prêtres ougandaise, et d’autre part les organisations internationales des droits de l’homme’’, confie Phiona Katushabe. ‘’Nous souhaitons que notre auditoire puisse se faire lui-même sa propre opinion.’’
Mais la pièce a apparemment fait sensation au Théâtre National de Kampala, la salle de spectacle principale de la ville. A la dernière minute, le théâtre s’est rétracté et n’a pas voulu accueillir la pièce comme il l’avait promis plus tôt. On a dit aux acteurs qu’ils avaient besoin d’une autorisation du Conseil ougandais des médias, aurorisation qu’ils n’ont pas encore reçue.
"Le refus du Théâtre National nous a encore plus motivés,’’ ajoute Rehema Nanfuka, une actrice réputée de 26 ans, qui est également présentatrice de radio et qui joue dans la pièce.

Idées préconçues
La pièce The River & the Mountain met en scène Samson (joué par Prynce), un jeune homme passionné par son emploi dans une usine d’huile ménagère, au grand désespoir de sa mère. Elle souhaite lui trouver une femme appropriée. Mi-humoristique, mi-sérieuse, la pièce encourage les visiteurs à méditer sur les idées préconçues. Samson est obligé de se faire ‘’soigner’’ de son homosexualité en suivant un traitement prescrit par un prêtre, une sorcière et un Ssenga – une tante sexualité -, qui, dans la tradition culturelle Buganda, initie les jeunes filles. Toutes les tentatives échouent car Samson persiste à dire qu’être homosexuel, c’est ‘’comme ça qu’il est né’’.
A la fin, après avoir osé sortir du placard, Samson est tué avec des machettes par les ouvriers de sa propre usine.
A l’heure actuelle, le fait qu’un changement d’opinion sur l’homosexualité soit possible est prouvé par “Aidah’’, une amie de Samson qui l’accepte tel qu’il est. Aidah (interprétée par Aidah Nalubowa), représente la "Rivière", qui signifie l’ouverture, le lien avec les grands océans qui, dans l’Histoire, ont amené de nouveaux visiteurs et de nouvelles cultures. La "Montagne" symbolise les gens isolés, reclus, qui ont peur de l’inconnu.
Compréhension
Phiona Katushabe constate que certains de ses amis ont échangé la "montagne" par la "rivière" après avoir vu la pièce. ‘’Certains de mes amis anti-gay qui l’ont vue montrent davantage de compréhension.
Rehema Nanfuka acquiesce. ‘’Je n’ai jamais eu de problème avec les gens gay mais je me demandais pourquoi ils devraient sentir le besoin de sortir du placard. Maintenant, je sens qu’ils le devraient. Dans la société ougandaise, nous cachons tant de choses. Pourquoi ne pas en parler ?’’
The River & the Mountain accueille des dizaines de spectateurs tous les soirs, dont de nombreux expatriés occidentaux. Depuis le début, seules deux personnes sont sorties prématurément de la salle. La première était anti-gay et la seconde était pro-gay, trop affectée par le sort de Samson.
Les deux dernières séances, programmées ce week-end, sont jouées à MishMash, un centre culturel principalement fréquenté par les expatriés. Les organisateurs n’ont-ils pas peur de donner l’occasion aux Ougandais conservateurs une raison de plus de croire que les gens gay sont des pantins ou des occidentaux ultralibéraux ayant un agenda-gay secret ? “Cet argument est utilisé contre nous de toutes façons. Cela ne me fait pas peur. Cette pièce aidera à faire évoluer la société ougandaise.
Crédits Photo : RNW
Radio Nederland Wereldomroep
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