Alors qu’ils se trouvaient à Dar es Salaam à l’occasion d’un sommet extraordinaire consacré au Burundi, annulé in extremis en raison des événements à Bujumbura, les chefs d’Etat des pays voisins ont observé une discrétion… assourdissante.
En réalité, ils ne pouvaient faire autrement que soutenir leur voisin et collègue Nkurunziza, président en titre du Burundi (même les États-Unis ont fini par le rappeler…) dont le principal « crime » demeure d’avoir voulu exercer un troisième mandat, interprétant à sa manière les accords de paix d’Arusha.
Il est évident que si la Tanzanie, ou même le Rwanda s’était opposé à son retour par voie terrestre, le chef de l’Etat ne serait jamais arrivé à Bujumbura.
La prudence des voisins a été inspirée par plusieurs considérations, la première étant l’effet domino : quel est le président de la région qui n’a pas caressé l’idée de demeurer au pouvoir au-delà du terme prévu ? Qui pourrait admettre que l’armée de son voisin donne le mauvais exemple ? Quant aux reproches de corruption et de circuits mafieux, qui peut prétendre en être exempt ? Enfin, Pierre Nkurunziza, loin d’être sans reproche, joue un rôle international non négligeable : son armée, aux côtés de soldats kényans, contribue à la pacification de la Somalie tandis qu’en Centrafrique les casques bleus burundais sont très appréciés.
De plus, cet ex-rebelle, très religieux, qui sillonne les campagnes en prêchant, priant et jouant au football, est considéré par son voisin rwandais comme un moindre mal, beaucoup plus modéré sur le plan ethnique que son principal rival, le FNL (Front national de libération d’Agathon Rwasa) qui, voici quelques années, n’avait pas craint de revendiquer le massacre de plusieurs dizaines de Tutsis Banyamulenge à Gatumba. Et Nkurunziza entretient de bonnes relations avec son homologue congolais Kabila.
Paul Kagame, qui aime être considéré comme le faiseur de rois, estime avoir de l’influence sur son collègue. Le pouvoir burundais devrait donc se montrer prudent, évitant de menacer des Tutsis, ce qui ne serait pas toléré par le Rwanda. La prudence des voisins africains a en tout cas démontré que la « Realpolitik » n’était pas le monopole des grandes puissances…
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