RNA-L’enquêteur et écrivain Bruno Boudiguet a présenté pour la première fois à Paris quelques-uns des résultats de l’enquête qu’il a menée au Rwanda ses dernières années à l’occasion de plusieurs déplacements dans l’ancienne préfecture de Kibuye. La conférence s’est symboliquement tenue à la Maison de l’Afrique.
Boudiguet poursuit, entre autres travaux, l’investigation menée par Serge Farnel en 2009 et 2010, enquête consignée dans un ouvrage disponible en libraires mais également depuis peu accessible en ligne dans son intégralité (http://www.rwanda13mai1994.net/Le-livre-en-ligne-en-integralite). Cette enquête avait mis à jour la participation de soldats blancs, français, au massacre qui, le 13 mai 1994, fit près de 40.000 morts parmi les civils tutsi de la région de Bisesero, dans l’ouest du Rwanda, éradiquant près de 90% des Tutsi de cette région.
Boudiguet a fait savoir, au cours de cette conférence, que les deux enquêtes cumulées totalisaient aujourd’hui plus de cent heures de rushes ainsi que plus de cinquante témoins, tueurs ou rescapés, de la présence de Blancs dans la préfecture de Kibuye en plein milieu du génocide, c’est-à-dire à une période à laquelle aucun soldat français n’étaient censé s’y trouver, entre la fin de l’opération Amaryllis et le début de l’opération Turquoise.
Boudiguet a commencé par dresser un tableau général relatif à la présence de soldats blancs ailleurs au Rwanda au cours de cette période. Ces témoignages sont issus de sources diverses parmi lesquelles ses propres interviews. Impressionnante par son résultat, cette étude resitue la participation française au massacre du 13 mai dans un contexte plus large.
Le conférencier est bien sûr revenu sur le modus operandi de ce qui s’avère probablement être le plus grand massacre du génocide : le leurre du 12 mai 1994 ayant consisté à obtenir des civils tutsi de Bisesero qu’ils se préparent à recevoir de l’aide prévue pour le lendemain, ainsi que les modalités du massacre du 13 mai, ce dernier ayant commencé par l’ouverture du feu à l’arme lourde par les soldats français. Boudiguet s’est notamment interrogé sur la nature de ces armes lourdes, apportant de nouveaux éléments de réponse par rapport à ceux fournis par Farnel, ainsi que sur ce qui permettait de dire de ces soldats blancs du 13 mai qu’ils étaient français.
Bruno Boudiguet a réinterrogé nombre de témoins entendus par Serge Farnel, ces derniers lui ayant apporté de plus amples précisions sur leur témoignage relatif à la présence active de soldats blancs au massacre du 13 mai. Il a également obtenu de nouveaux témoignages sur ce massacre. Aussi apprend-on par exemple que les tueurs ne sont pas les seuls à pouvoir témoigner de la nationalité française de ces soldats blancs avec qui ils « travaillaient » ce 13 mai, puisque des rescapés parlant français auraient entendu ces derniers parler cette langue le jour du grand massacre.
L’enquêteur Bruno Boudiguet a enfin articulé la tuerie à Bisesero des 28 et 29 juin 1994 avec le massacre du 13 mai. Les tueries de la fin juin ont démarré juste après l’abandon par l’officier français Jean-Rémy Duval des Tutsi à qui il venait, à Bisesero, de demander de sortir de leur cachette. Résultat : la mort de la moitié des deux mille rescapés du massacre du 13 mai. Le conférencier a expliqué pour la première fois que certains rescapés ne seraient pas tout de suite sortis de leur cachette le 30 juin, après que les soldats de Turquoise eurent, sous la pression de journalistes alors présents sur les lieux, enfin daigné leur venir en aide. Se souvenant de la participation de soldats blancs six semaines plus tôt à leur extermination, ils auraient pour certains mis pas moins de quatre jours avant de se décider enfin à rejoindre ceux qui leur avaient promis à nouveau protection ce 30 juin.
Bruno Boudiguet a annoncé un livre à paraître en septembre sur les résultats de son enquête : "Génocide à Bisesero. Derniers secrets de la France au Rwanda ?"
Il est également l’auteur de "Françafrique 2102. La bombe à retardement." paru en 2012 aux éditions Aviso.

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