Echos d’Ivoirité au Gabon : Une Ombre du passé

Redigé par Tite Gatabazi
Le 5 septembre 2023 à 08:35

En politique, la frontière entre ce qui relève du domaine public et du domaine privé est souvent sujette à débat. Mais dans le cas du général putschiste gabonais, Brice Oligui Nguema, cette frontière semble avoir été complètement brouillée.

Sa proposition selon laquelle, pour être candidat aux élections présidentielles, il faudrait être "de père et de mère gabonais, être né au Gabon et avoir une épouse gabonaise" interroge profondément sur le rôle du mariage et de la filiation dans la politique gabonaise.

Historiquement, les démocraties du monde entier ont formulé des critères pour s’assurer que les candidats à la présidence possèdent un certain degré d’attachement au pays. Cela est souvent fait en s’appuyant sur deux principes : le droit du sol, où la nationalité est déterminée par le lieu de naissance, et le droit du sang, où elle est déterminée par la filiation.

A ces deux principes bien ancrés, le général ajoute un troisième critère, plus étonnant : le droit du lit. Autrement dit, l’éligibilité d’un candidat se mesurerait aussi à travers le passeport de son épouse. Ce qui est une intrusion du privé dans le public : une maladresse évidente.

En plus de constituer une atteinte directe aux droits individuels, la condition de mariage à une Gabonaise discrimine de facto tous ceux qui ont choisi un conjoint étranger.

Les implications sont multiples : qu’arriverait-il si un candidat potentiel se mariait à une étrangère après son élection ? Faudrait-il annuler le mariage ou destituer le président ?

Ce n’est pas la première fois qu’un tel discours discriminatoire se fait entendre en Afrique.

La Côte d’Ivoire, dans les années 1990, a vu l’émergence de l’ivoirité, une politique discriminatoire cherchant à définir une identité ivoirienne authentique, qui a finalement créé une grave division nationale.

En évoquant une telle politique au Gabon, le général risque d’ouvrir une boîte de Pandore d’exclusion et de tensions ethniques.

En somme, bien que les conditions d’éligibilité puissent être mises en place pour garantir une certaine fidélité nationale, elles doivent se garder de tomber dans l’exclusion et la discrimination.

Les propositions du général, à l’intersection du public et du privé, risquent d’aggraver les tensions politiques et sociales, tout en détournant le débat public des véritables enjeux nationaux.


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