La démission de Constant Mutamba s’inscrit dans cette dramaturgie de la défausse, où l’accusé ne se présente plus comme redevable d’actes délictueux, mais comme le héraut trahi d’une République en péril. En se drapant dans les atours du patriotisme blessé, en évoquant un « complot politique conçu à Kigali », il cherche moins à éclairer qu’à obscurcir, moins à rendre compte qu’à se réhabiliter.
La cause nationale devient, sous sa plume, l’ultime refuge de l’homme acculé, le théâtre d’une évasion rhétorique où la responsabilité se dilue dans la mise en scène victimaire. Mais derrière cette éloquence affectée et ce pathos savamment orchestré, c’est un art consommé de l’esquive qui se donne à voir, une diversion maîtrisée où la grandeur revendiquée masque mal la gravité des faits reprochés. Ainsi s’écrit non pas l’épopée d’un réformateur trahi, mais la chronique crépusculaire d’un imposteur démasqué.
Il est des chutes qui, loin d’être silencieuses, s’entourent de fracas, de pathos et de mise en scène. La récente démission de Constant Mutamba, survenue dans un contexte d’accusations gravissimes de détournement de fonds publics, s’inscrit dans cette catégorie. L’ancien ministre, plutôt que de se soumettre avec décence à l’exigence de redevabilité, s’emploie à travestir son revers en épopée nationale, se posant en martyr d’un système qu’il aurait, dit-il, voulu réformer.
Dans une lettre rédigée sur le ton du drame et remise au Chef de l’Etat, il s’identifie à un « soldat » trahi dans sa croisade contre les responsables de l’AFC/M23. Plus encore, il évoque un « coup de poignard dans le dos », fruit d’un « complot politique visiblement conçu à Kigali et exécuté par certains de nos compatriotes ».
La rhétorique est saisissante, presque shakespearienne. Mais elle n’en est pas moins fallacieuse.
Cette mise en accusation du Rwanda, érigé en ennemi systémique, relève moins d’une analyse rigoureuse que d’un réflexe d’autodéfense désespéré. À défaut de convaincre la justice, Mutamba tente de captiver l’opinion publique par une narration à la fois simpliste et anxiogène : il ne serait plus l’objet d’une enquête pour malversation, mais la cible d’une conspiration ourdie par un pouvoir étranger, avec la complicité interne de forces hostiles aux réformes.
Il faut ici rappeler que les faits reprochés à l’ancien ministre ne relèvent pas du fantasme diplomatique, mais d’actes administratifs précis, documentés, et déjà consignés dans les conclusions du procureur général près la Cour de cassation.
Son nom est lié à l’octroi de marchés publics à une société suspecte, qui a reçu près de 19 millions de dollars, malgré un capital de seulement 5 000 dollars. Ce ne sont donc pas ses velléités réformatrices qui suscitent la réprobation, mais les indices sérieux et concordants d’un détournement caractérisé, commis avec une témérité d’autant plus troublante qu’elle s’abritait sous le manteau du patriotisme.
L’invocation du Rwanda dans cette affaire traduit un phénomène désormais récurrent : celui de la fuite en avant par l’ennemi extérieur. Mutamba rejoint ainsi une longue cohorte de responsables dont l’instinct de conservation l’emporte sur le devoir d’exemplarité. En confondant stratégie judiciaire et rhétorique belliqueuse, il désoriente l’opinion, délégitime les vraies luttes contre la corruption et les détournements et brouille les repères entre traque de la corruption et posture de résistance.
Ce complot qu’il dénonce supposé vouloir « désorganiser la riposte gouvernementale » et « bloquer toutes les réformes internes en cours » ressemble davantage à un rideau de fumée destiné à masquer la faillite personnelle d’un homme qui aura confondu activisme oratoire et éthique publique.
À trop vouloir se présenter comme le dernier rempart contre les forces du chaos, Mutamba révèle surtout la fragilité de son propre édifice politique. Et face à l’histoire, ce n’est ni le vacarme des slogans ni l’artifice du storytelling qui protégeront ceux qui ont failli.

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